Vous connaissez peut-être le jeu “The Last of Us” vers lequel il est facile de diriger sa procrastination: un univers post-apocalyptique peuplé de zombies. Les humains deviennent infectés par un champignon, le Cordyceps, qui prend le contrôle du comportement de son hôte. En réalité, le Cordyceps existe… mais il infecte autre chose que des humains.

L’Ophiocordyceps unilateralis sensu lato (Ophiocordyceps) est un champignon parasite entomopathogène qui infecte les fourmis charpentières et modifie leur comportement. Ses spores pénètrent l’exosquelette des fourmis et les poussent à s’installer dans des milieux propices au parasite. Les fourmis infectées grimpent en hauteur et plantent leurs mandibules dans le substrat végétal sur lequel elles se trouvent. Le champignon croît sur le cadavre de la fourmi et finit par produire des spores qui se dispersent à nouveau ¹.

Fourmi infectée par le Cordyceps. ©Penn State University

Entre le moment où les spores pénètrent la cuticule de la fourmi et le moment où le comportement de la fourmi est modifié, il y a une période d’incubation durant laquelle la fourmi revient au nid et continue ses tâches comme si de rien n’était. D’habitude, la fourmilière se débarrasse des fourmis malades pour éviter la propagation de l’agent pathogène. Ce mécanisme ne fonctionne pas contre le Ophiocordyceps, parce que les fourmis infectées ont un comportement normal pendant la période d’incubation. Le champignon est indétectable aux yeux des autres fourmis ². 

Le Ophiocordyceps prolifère dans le corps de la fourmi et en prend lentement le contrôle. Il s’attaque directement aux muscles des fourmis en interférant avec les signaux du système nerveux. Les cellules fongiques ont été retrouvées dans  la tête, l’abdomen et le thorax des fourmis, et sont également présentes dans les pattes. Cependant, il n’y a pas de trace du champignon dans le cerveau ³. Les muscles des mandibules des fourmis sont également largement colonisés par le champignon parasite ⁴. 

Le champignon prend la forme d’hyphes qui lui permettent de créer un réseau de cellules fongiques interconnectées qui communiquent entre elles. Les fibres nerveuses de la fourmis sont infiltrées par le champignon sous forme de mycélium filamenteux ³. 

Au fur et à mesure de la prolifération du parasite, le comportement de la fourmi change. Plusieurs jours après l’infection, elle quitte le nid, ce qui est favorable pour le champignon: la fourmi étant sur le point de mourir, si elle restait près de nid les autres fourmis la déplaceraient pour l’éloigner, ce qui dérangerait la progression du champignon et la croissance de sa tige. A ce stade, le comportement de la fourmi devient erratique: elle est prise de convulsions. Elle grimpe tant bien que mal en hauteur, pour satisfaire aux conditions optimales du champignon; ce dernier recherche des conditions d’humidité, dans un endroit surélevé. La fourmi s’attache sur le substrat végétal en y plantant ses mandibules; elle est ainsi immobilisée, et le demeure longtemps après sa mort ¹. 

La fourmi meurt tandis que le champignon se nourrit de l’insecte et produit un corps fructifère, qui prend l’apparence d’une tige qui émerge de la tête de la fourmi. Le corps fructifère commence alors un nouveau cycle en sporulant et répandant ses spores dans les airs. La hauteur à laquelle la fourmi s’est installée permet aux spores d’étendre leur zone d’atterrissage, ils augmentent ainsi leurs chances d’infecter d’autres insectes ¹. 

Différentes espèces de ce type de champignon parasite existent, et sont capables d’infecter divers insectes ⁵. Il est intéressant de constater que ce champignon laisse le cerveau intact, mais prend le contrôle des mouvements de la fourmi directement par les muscles ³. Il ne manquerait plus qu’un champignon semblable au Ophiocordyceps qui attaquerait les humains pour continuer la suite d’événements désastreux de 2020!

Sources:

  1. de Bekker, C. (2019). Ophiocordyceps–ant interactions as an integrative model to understand the molecular basis of parasitic behavioral manipulation. Pests and resistance • Behavioural ecology, 33, 19‑24. https://doi.org/10.1016/j.cois.2019.01.005
  2. Solá Gracia, E., de Bekker, C., Hanks, E. M., & Hughes, D. P. (2018). Within the fortress : A specialized parasite is not discriminated against in a social insect society. PLOS ONE, 13(2), e0193536. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0193536
  3. Fredericksen, M. A., Zhang, Y., Hazen, M. L., Loreto, R. G., Mangold, C. A., Chen, D. Z., & Hughes, D. P. (2017). Three-dimensional visualization and a deep-learning model reveal complex fungal parasite networks in behaviorally manipulated ants. Proceedings of the National Academy of Sciences, 114(47), 12590. https://doi.org/10.1073/pnas.1711673114
  4. Mangold, C. A., Ishler, M. J., Loreto, R. G., Hazen, M. L., & Hughes, D. P. (2019). Zombie ant death grip due to hypercontracted mandibular muscles. The Journal of Experimental Biology, 222(Pt 14), jeb200683. PubMed. https://doi.org/10.1242/jeb.200683
  5. Andersen, S. B., Gerritsma, S., Yusah, K. M., Mayntz, D., Hywel-Jones, N. L., Billen, J., Boomsma, J. J., & Hughes, D. P. (2009). The life of a dead ant: the expression of an adaptive extended phenotype. The American naturalist, 174(3), 424–433. https://doi.org/10.1086/603640

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