Le continent africain est peuplé de créatures, petites et grandes, rapides et lentes, un foyer impressionnant de la faune. Les rhinocéros blancs (Cerathotherium simum) comptent parmi les plus imposants mammifères terrestres sur Terre et leur distribution géographique s’étend à travers tout ce continent1 . Ils sont divisés en deux sous-espèces selon leur habitat. Ceux qui habitent dans l’Afrique du Nord portent le nom de C. simum cottoni; ceux du Sud, celui de C. simum simum. Historiquement, les deux sous-espèces sont passées proche de l’extinction en raison du braconnage illégal pratiqué à ces endroits1. Les populations sud-africaines ont été résilientes et ont réussi à se remettre des conséquences de ces pratiques par elles-mêmes, naturellement, suite à la limitation et la réglementation des activités de braconnage sur leur territoire1. Cependant, les populations nord-africaines ont été victimes de plusieurs guerres civiles qui ont ravagé leur habitat au cours des décennies, ce qui a grandement réduit leur habileté à rehausser leurs nombres1. Cette lignée est donc aujourd’hui considérée comme éteinte1.

Plus précisément, en 2016, il ne restait que trois individus de la lignée nord-africaine vivant en captivité dans une réserve au Kenya1. Ceux-ci incluent une femelle, Najin, de 26 ans, sa fille, Fatu, de 15 ans ainsi qu’un mâle, Sudan, de 42 ans, qui est malheureusement décédé en 20181,2. Suivant le décès du dernier mâle de cette espèce, les scientifiques n’ont pas perdu espoir : ils ont tenté de la raviver à l’aide de méthodes émergentes de reproduction assistée, c’est-à-dire le développement d’un embryon in vitro suite à une fertilisation artificielle entre des gamètes de sexes opposés3. Étant donné que l’état de santé de Najin et Fatu ne leur permettaient pas de mener une grossesse à terme, les scientifiques ont eu alors une autre idée brillante : se tourner vers leurs cousins pas si éloignés, les rhinocéros sud-africains2,3.

Les chercheurs ont développé des méthodes chirurgicales leur permettant de récolter des cellules germinales à partir des ovaires de rhinocéros sud-africains femelles, c’est-à-dire des ovocytes qui produiront des ovules suite à la méiose3.

Ils possèdent aussi des échantillons de spermatozoïdes de rhinocéros nord-africains prélevés chez des mâles il y a plusieurs années et préservés par congélation jusqu’à aujourd’hui encore3. Ceci leur permet donc de faire des essais de fertilisation artificielle in vitro entre des spermatozoïdes de rhinocéros nord-africains et des ovules de rhinocéros sud-africains3.

Lorsque ces expériences ont été effectuées, le zygote formé par la fertilisation a progressé jusqu’à la formation d’un blastocyste, l’un des premiers stades développementaux chez les embryons de mammifères3.

Ces embryons précoces peuvent aussi être préservés par congélation pour une utilisation future2. La prochaine étape consisterait donc à implanter ces embryons dans l’utérus d’un rhinocéros sud-africain femelle afin d’observer si elle est capable de donner naissance à un individu hybride issu du croisement entre les deux sous-espèces3.

Ces avancées scientifiques sont d’une importance capitale dans l’effort fructueux mis de l’avant pour préserver les derniers individus vivants chez les rhinocéros nord-africains et, ultimement, ramener leurs nombres à un niveau stable et prospère.

Ils ont de la chance de pouvoir compter sur leurs cousins sud-africains! Un signe évident que les avancées scientifiques permettent à des fraternités de s’entraider indirectement, et ce malgré la distance qui les sépare.

Bibliographie

1. Saragusty J, Diecke S, Drukker M, Durrant B, Friedrich Ben-Nun I, Galli C, et al. Rewinding the process of mammalian extinction. Zoo Biol. juill 2016;35(4):280‑92.

2. Chapon D. The last living members of an extinct species [Internet]. TED-Ed; 2020 [cité 12 janv 2022]. Disponible à: https://www.youtube.com/watch?v=hNNqht30TDo

3. Hildebrandt TB, Hermes R, Colleoni S, Diecke S, Holtze S, Renfree MB, et al. Embryos and embryonic stem cells from the white rhinoceros. Nat Commun. 4 juillet 2018;9:1‑9. 

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