Amateur de peupliers et de saules 1, le castor d’Amérique du Nord (Castor canadensis) est un véritable bûcheron architecte. Cet ingénieur d’écosystème pourrait être la solution à la conservation de zones de végétation abîmées par des perturbations naturelles mais également par les activités humaines.

Ce rongeur vit généralement dans des forêts bordant des cours d’eau, appelées ripisylves, qui font partie intégrante des zones ripariennes, c’est-à-dire des aires de végétations bordant un cours d’eau. Ce type de forêts, ainsi que les milieux aquatiques, jouent un rôle particulièrement important dans les paysages semi-arides et arides, notamment en abritant une grande proportion de la faune et en contribuant à la biodiversité du milieu 2. Les constructions des castors ont des conséquences écologiques qui accentuent globalement la résilience de l’écosystème, notamment en réponse aux changements climatiques, incluant la variation de températures et des perturbations de l’environnement 3.

Une forêt riveraine dans une zone riparienne. ©Dan Seddon

Le castor est capable de changer complètement la dynamique de l’écosystème aquatique qu’il habite. En construisant des structures de barrages et de canaux, les castors impactent positivement la biodiversité aquatique ainsi que la faune terrestre. Ces structures augmentent le niveau de l’eau et stabilisent le niveau piézométrique (la limite entre la nappe phréatique et le sol) 3.

Certaines zones ripariennes accueillent une communauté de castors et de saules. Le saule constitue un matériel de choix pour construire les barrages. Les étangs formés par ces derniers accumulent les sédiments et augmentent la disponibilité en azote pour le saule. Le sol se retrouve enrichi et humide, ce qui favorise la germination des graines et leur croissance, et forme ainsi une végétation plus robuste. Les castors et les saules vont donc de pair, puisque le saule fournit de la nourriture et du matériel de construction, tandis que le castor favorise sa croissance en modifiant l’écosystème. En effet, le castor coupe des tiges entières, souvent provenant d’arbustes à proximité de ses barrages et huttes. Il utilise une technique similaire au taillis, qui consiste à couper les tiges et les arbres à leur base, proche du sol, ce qui encourage les pousses basales à se développer. Ces dernières sont ensuite prêtes à être récoltées. Cette technique permet d’obtenir une récolte systématique en évitant une dégénération des terres. Le saule augmente la production de ses tiges en réponse aux coupes effectuées par les castors. Le taux de croissance de ses tiges augmentent lorsqu’ils repoussent après avoir été coupés à la manière des castors 4. Donc malgré le fait que les castors utilisent une quantité conséquente de bois pour construire les barrages et pour se nourrir, la biomasse de la flore riparienne ne diminue pas. En réalité, elle augmente et devient plus robuste2.

Parmi les perturbations pouvant affecter les milieux arides et les zones ripariennes qu’ils contiennent, ceux-ci sont à la merci de feux de forêt, d’inondations ou de sécheresses, qui sont liés à une variabilité du climat. S’ajoutant à ces événements, le pâturage constitue également un danger pour les zones ripariennes, surtout lorsque sa gestion est inadaptée. Le bétail, en mangeant et piétinant la végétation, est capable d’altérer ces zones de manière à réduire la qualité de vie des organismes qui l’occupent, entraînant ainsi une perte de biodiversité. L’entretien du bétail en lui-même peut également diminuer le niveau de vie des zones ripariennes. Pour remédier à ces problèmes, de nombreuses techniques de gestion sont utilisées 2

C’est ici qu’entre en jeu le castor et ses talents d’ingénieur. Ses activités permettent un maintien de la végétation riparienne et une augmentation des réservoirs d’eau dans les cours d’eau grâce aux barrages. Sa capacité à augmenter la résilience des écosystèmes ripariens devient particulièrement intéressante dans le contexte des changements climatiques. L’augmentation de la température et du taux de sécheresse suggère que les organismes colonisant les milieux ripariens vont migrer vers des latitudes et élévations plus hautes. Pour augmenter la résilience de ces zones aux variations climatiques qui vont probablement causer un climat sec de plus longue durée et intensité, les castors semblent pleins de ressources. Grâce à leur réintroduction ou encore l’utilisation de structures semblables à leurs barrages, ainsi qu’à une activité de pâturage contrôlée, il serait possible de rendre les écosystèmes ripariens plus vigoureux et résistants aux changements climatiques 2

Sources:

  1. Stoll, N. L., & Westbrook, C. J. (2020). Beaver dam capacity of Canada’s boreal plain in response to environmental change. Scientific reports, 10(1), 16800. https://doi.org/10.1038/s41598-020-73095-z
  2. Fesenmyer, K. A., Dauwalter, D. C., Evans, C., & Allai, T. (2018). Livestock management, beaver, and climate influences on riparian vegetation in a semi-arid landscape. PloS one, 13(12), e0208928. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0208928
  3. Westbrook, C. J., Cooper, D. J., & Baker, B. W. (2006). Beaver dams and overbank floods influence groundwater–surface water interactions of a Rocky Mountain riparian area. Water Resources Research, 42(6). https://doi.org/10.1029/2005WR004560
  4. Baker, B. W., Ducharme, H. C., Mitchell, D. C. S., Stanley, T. R., & Peinetti, H. R. (2005). Interaction of beaver and elk herbivory reduces standing crop of willow. Ecological Applications, 15(1), 110‑118. https://doi.org/10.1890/03-5237

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