Cet automne, on migre. En formation V ou en queue leu-leu, seules ou en groupes, les sciences biologiques déménagent avec les départements de physique, chimie et géographie au Campus MIL. Plus précisément, ce sont les départements, leurs professeurs et techniciens, les laboratoires, le matériel, les bibliothèques, qui déménagent pendant l’été prochain pour que tout soit prêt pour les étudiants au début de la session d’automne 2019. Le chantier est en plein fourmillement : travailleurs, outils et bruits de construction qui n’arrêtent jamais. Mais on a quand même eu accès à une visite guidée pour connaître un peu mieux ce qui va devenir notre nouvelle maison. Voici un bref compte rendu et quelques photos pour vous donner un peu le « feeling ».
Un lieu de choix
Le campus est construit sur le terrain de l’ancienne gare de triage de la compagnie « Canadien Pacifique » à Outremont, tout près des quartiers Parc-Extension, Mile End, Plateau Mont-Royal et Rosemont – La Petite Patrie. Malgré son état d’abandon depuis 1985, le site est très accessible, situé à 5 minutes à pied de la station de métro Acadie et 10 de la station Outremont, toutes deux sur la ligne bleue.
Pour accéder au nouveau campus à partir de la station Acadie, l’Université a mis en place la construction d’une passerelle passant par-dessus le chemin de fer. Du côté d’Outremont et du Mile-End, marche, vélo, autobus ou voiture seront les moyens de transport les plus adéquats.
L’avenue qui donne accès à l’entrée principale rend hommage à la professeure, travailleuse sociale et thérapeute Thérèse Lavoie-Roux, première femme à être commissaire et présidente de la Commission des Écoles Catholiques de Montréal (ndlr : la plus grande commission scolaire du Québec de 1846 à 1990), Ministre de la Santé et Services Sociaux, puis députée élue au Québec et sénatrice à Ottawa.
Créer un espace dynamique et durable
Un des objectifs du projet global étant d’inciter la mobilité durable (ndlr : l’aménagement du quartier vise la certification LEED-AQ, selon le système d’évaluation LEED pour l’aménagement des quartiers: une norme qui vise à protéger l’environnement, inciter l’adoption d’un mode de vie plus sain et réduire la dépendance à l’automobile), une piste cyclable a été construite sur l’avenue qui donne accès au campus, et l’université et la ville travaillent pour relier le Campus MIL et le Campus de la Montagne également via une voie cyclable. Supports à vélo et bornes de services de réparation sont aussi prévus. De plus, l’UdeM prévoit un maximum de 400 places de stationnement sur le campus, toutes souterraines.
Au-delà d’être axé sur la question d’offrir des modes de déplacement plus durables aux étudiants pour se rendre au nouveau campus, l’emplacement du Campus MIL s’inscrit aussi dans une volonté de dynamisation des quartiers environnants, avec une intention urbanistique louable. La gare, étant un grand terrain privé en plein centre de l’île, coupait en effet complètement le passage entre Outremont et Parc-Extension : plus d’un kilomètre de frontière entre ces deux quartiers séparés par ce mur invisible. Le campus, avec sa passerelle reliant les deux côtés, se veut ainsi un « pont » dynamique, une façon littérale d’unir la communauté urbaine autour de son centre de production de savoirs.
Les intentions de développement placées dans ce nouveau projet ne sont pas seulement urbaines : elles sont aussi sociales, en ce qui concerne le rôle de l’université dans la société. Cela se reflète dans bon nombre des décisions prises pour ce projet, qui voit ce nouveau campus comme une place d’intégration et de partage, entre élèves, professeurs, chercheurs, mais aussi avec l’ensemble de la communauté qui entoure l’université.
L’exemple le plus frappant est sans doute la bibliothèque. L’espace réservé aux livres tient compte de la place de plus en plus réduite du livre version papier dans notre vie. Si l’essentiel sera présent, l’espace même est beaucoup plus qu’un répertoire de livres. Des salles multimédia, avec des studios spécifiques pour la production du matériel de vulgarisation du savoir scientifique, montrent qu’au-delà de faire évoluer la recherche, il est important de la partager et d’étendre la connaissance qu’on en a. Un hall pour des expositions et de nombreuses salles d’études et présentations ont également été mis en place. L’université s’inscrit ici comme un moteur du progrès et de l’intégration.
Au sein de la communauté étudiante
Les cafés-étudiants, incluant Le Vivarium, n’échappent pas à un sort similaire. Les quatre cafés seront regroupés ensemble dans une aire ouverte, le but étant de favoriser les échanges entre les étudiants des différents programmes. Pour ce qui est de l’aspect de la compétition entre les cafés qui vendent des produits similaires, l’établissement d’une bonne organisation reste à voir.
Certaines questions persistent, que l’on espère clarifier bientôt : comment sera partagé l’espace pour les évènements de la vie étudiante, par exemple. Ou encore des détails comme si et où les étudiants pourront trouver des micro-ondes pour réchauffer leurs repas (nouvelle information le 25 février : 9 micro-ondes seront disponibles dans la zone des cafés pour l’usage générale), ou si des casiers seront présents près des salles de TP pour ranger leurs effets personnels (nouvelle information le 25 février : plus de 180 casiers seront installés au rez-de-chaussée du pavillon d’enseignement, et devant les laboratoires de TP de sciences biologiques et chimie).
L’espace pour étudier, dans le sens strict du terme, est aussi une préoccupation qui revient souvent. Beaucoup d’élèves utilisent les cafés, mais avec leur vocation plus tournée vers la socialisation que l’isolement, il faudra trouver des places ailleurs pour pouvoir se concentrer en silence. Cela n’est pas passé inaperçu dans le projet : un gradient de salles de toutes tailles, niveau de bruit et accessibilité au matériel technologique sera disponible pour les étudiants et étudiantes à la Bibliothèque des Sciences. Des nouvelles cartes étudiantes à puce électronique permettront de les réserver pour une période déterminée.
Notre complexe
Le Complexe des sciences a deux entrées principales. Du côté sud, la porte à l’Avenue Thérèse Lavoie-Roux, donne directement accès à l’atrium principal. Au nord (la partie en arrière du complexe dans l’image ci-haut), la passerelle qui lie la station Acadie au campus arrive sur une petite « plaza » à partir de laquelle on peut accéder au pavillon de la recherche à gauche, et au pavillon de l’enseignement à droite, où se trouvent les salles de cours et les grands amphithéâtres (à gauche sur l’image ci-haut). Les deux sont liés par la bibliothèque des sciences. En rentrant dans le pavillon de la recherche, une passerelle intérieure survole les cafés-étudiants et arrive à l’atrium, la pièce principale du complexe : une grande agora très lumineuse, avec des larges marches en bois.
L’accent a été mis sur l’optimisation de la lumière : alors même que les lieux sont encore encombrés de machineries et matériaux de construction, la qualité de la lumière naturelle dans les espaces communs est magnifique. La grande agora et des cafés seront parfaits pour « recharger ses batteries » au soleil en fin d’après-midi.
Depuis l’atrium, il est possible d’aller vers toutes les directions : descendre aux cafés-étudiants, accéder à la bibliothèque et les amphithéâtres, en passant par les associations étudiantes, ainsi qu’un jardin intérieur (qui ne sera néanmoins pas accessible aux étudiants). En montant les étages, on peut rejoindre les laboratoires, salles des chercheurs, bureaux des professeurs, et autres salles importantes.
Aménagement d’un nouveau campus et développement durable
L’aménagement du quartier est un projet phare de la Ville de Montréal, qui rappelons-le vise la certification LEED-AQ pour le développement durable. Cela regarde non seulement la construction, mais tout le processus dès le choix de site aux relations que le site et les bâtiments créent avec la communauté qui l’entoure.
Avant même de commencer les travaux, le terrain a été décontaminé en conformité à la politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés du gouvernement du Québec, et le site a participé au projet pilote Traces Québec, qui suit en temps réel le déplacement des sols contaminés jusqu’à leur lieu de traitement.
Une partie du site a de plus été mise à disposition, pendant le temps de la construction, pour de nombreuses activités ouvertes à la communauté : soirées cinéma ou concerts en plein air, jardins éphémères, ateliers sur l’agriculture urbaine, visites guidées et marchés solidaires. La collaboration avec les organismes locaux est une excellente opportunité de mieux intégrer l’université dans le quartier où elle s’installe, une expérience pour la communauté qui a compensé au moins en partie la nuisance que les grands chantiers provoquent indéniablement. Autres que ces activités, les constructeurs ont travaillé à réduire la pollution et à minimiser les inconvénients en nettoyant les camions et arrosant le site pour éviter la propagation de la poussière.
La collecte des matériaux recyclables tout au long du projet et la gestion responsable des déchets étaient aussi dans la liste « à surveiller » des acteurs du projet, ainsi que l’utilisation, lorsque possible, de matériaux à faibles émissions (revêtements de sol, adhésifs, peintures, etc.) et locaux : les hottes dans les laboratoires, par exemple, sont fabriquées au Québec.
Le Complexe a été conçu pour maximiser les espaces verts et réduire les îlots de chaleur, avec des toits verts et des jardins internes. Le code de sécurité empêche, par contre, que ces espaces soient accessibles à la communauté (étudiante ou autre). C’est probablement le point le plus décevant pour tous ceux qui visitent le campus : ces beaux espaces intéressants sur un point de vue scientifique, ou encore inspirants et relaxants, interdits. Mais tout n’est pas perdu, le campus offre de nombreux espaces de verdure à l’extérieur des bâtiments.
Toujours plus de projets
Le plan directeur vise encore plus de nouveautés, qui incluent quatre parcs autour du campus, dont un est actuellement en construction situé en face du Complexe des sciences, de l’autre coté de l’avenue Thérèse-Lavoie-Roux. De ce même coté, il y 1300 logements de prévu, constitué de 15% logements abordables et 15% des logements sociaux et communautaires. Les constructions doivent commencer au printemps.
Les arrangements pour les déménagements doivent commencer bientôt, à mesure que les bureaux et labos seront prêts, et cela promet un été assez laborieux pour tout le monde impliqué. L’idée est de n’arrêter aucun des projets de recherche en cours. Pour les élèves, nous aurons le privilège d’être les premiers à utiliser cet espace tout neuf, mais aussi en quelque sorte d’être les « cobayes » de cette expérience d’aménagement et de relocalisation. À nous de garder l’esprit ouvert pour profiter au maximum de cette opportunité, et l’esprit critique pour chercher à améliorer les aspects qui auront besoin de l’être.