Chose certaine, l’ordre des Hyménoptères se démarque chez les insectes. En effet, avec plus de 150 000 espèces décrites, ces petites bêtes se hissent bien près du sommet du palmarès des ordres d’insectes les plus nombreux et prouvent donc qu’elles gagnent à être mieux connues. Que ce soit par la diversité de leurs modes de vie, de leur morphologie ou de leurs comportements, les hyménoptères impressionnent les entomologistes amateurs et professionnels. Considérant le déclin global des insectes et des pollinisateurs qui est observé de nos jours, familiarisons-nous avec ces héros méconnus et leurs rôles écologiques essentiels dans la survie de notre biodiversité 10.

Les abeilles, championnes de la pollinisation

Ah, les abeilles… Bien qu’elles soient réputées pour leur délicieux miel et leurs exploits de pollinisation, peu connaissent réellement leur diversité. L’abeille domestique (Apis mellifera) est certainement la plus connue; les apiculteurs l’élèvent partout autour du monde pour la production de miel, y compris au Québec, où l’espèce a été introduite. L’abeille domestique est eusociale, c’est-à-dire qu’elle forme des colonies où on retrouve trois castes : la reine, les ouvrières et les faux-bourdons. Cependant, la majorité des abeilles indigènes du Québec sont solitaires et ne produisent pas de miel! Ces dernières sont d’ailleurs très ingénieuses pour ce qui est de la construction de leur nid : alors que certaines creusent des trous dans le sol (ex : genre Anthophora), d’autres vont gruger le bois mort (ex : genre Xylocopa). D’autres abeilles iront même jusqu’à découper des feuilles ou des fleurs afin de rendre les cellules de leur nid plus étanches (ex : genre Megachile). Les abeilles, qu’elles soient sociales ou solitaires, consomment toutes du nectar et du pollen récoltées sur des fleurs. Elles ont d’ailleurs plusieurs caractéristiques morphologiques bien adaptées à leur rôle de pollinisatrices. Par exemple, elles ont des setae, des structures ressemblant à des poils et permettant, entre autres, de recueillir du pollen. Elles possèdent également un appareil buccal spécialisé, le glosse, permettant d’aspirer du nectar et des mandibules permettant d’aménager leur nid 1,4,7,8.

Deux femelles de l’halicte vert (Agapostemon virescens) qui butinent sur une fleur. On peut observer le pollen accumulé sur leurs pattes arrière. Photo par : Daphné Larivière.

Les bourdons, ces petits poilus

Difficile d’ignorer un bourdon quand il passe près de nous! Cet insecte, bien qu’appartenant à la famille des abeilles (genre Bombus), possède plusieurs caractéristiques uniques qui lui méritent sa propre rubrique. Il existe environ 20 espèces de bourdons au Québec et elles sont toutes sociales. Les colonies de bourdons sont creusées à même le sol et sont renouvelées à chaque année par une nouvelle reine fécondée. Les bourdons sont d’excellents pollinisateurs en raison de leur morphologie spécialisée. En effet, la quasi-totalité de leur corps est recouvert de setae. Les bourdons peuvent ensuite utiliser les peignes sur leurs pattes arrière pour recueillir le pollen dans leurs corbeilles. Les setae permettent aussi aux bourdons de réguler leur température corporelle, un avantage important dans le climat québécois. Les bourdons peuvent ainsi être actifs du début du printemps jusqu’à la fin de l’automne, ce qui rend leur pollinisation particulièrement efficace. D’ailleurs, ils sont capables d’apprentissage! Ainsi, à la fin de l’année, ils pourront reconnaître les motifs ultraviolets des fleurs et sélectionner les espèces offrant une grande quantité de pollen et de nectar. De plus, dès le début de l’année, les bourdons peuvent visiter une grande variété de fleurs grâce à la pollinisation vibratile, ce qui en font des insectes très généralistes, ce qui est un avantage considérable dans un écosystème. Bref, ils sont beaucoup plus que mignons, ces bourdons 1, 5, 6, 7, 9!

Bourdon tricolore (Bombus ternarius) qui butine sur une fleur. Photo par : Daphné Larivière.

Les guêpes : incomprises et importantes

C’est inévitable : pour plusieurs personnes, les guêpes sont synonyme de danger et de peur. On a tous déjà entendu dire que les guêpes attaquent tout ce qui bouge et qu’elles peuvent le faire à répétition. L’heure est venue de rétablir la vérité! En fait, ce sont les guêpes eusociales qui font preuve d’agressivité et de territorialité lorsqu’on s’approche trop de leur nid. Ce dernier est d’ailleurs généralement en papier et construit à partir de morceaux de bois mâchés, bien que certains nids soient construits à même le sol. Les guêpes sociales, comme une bonne partie des hyménoptères, possèdent un dard. Celui-ci est lisse, permettant à l’insecte de piquer plusieurs fois dans sa vie. Les guêpes adultes consomment du pollen et du nectar et sont donc pollinisatrices, mais elles sont également prédatrices, puisque les larves consomment des protéines animales. Elles iront même jusqu’à fouiller dans nos poubelles pour nourrir leur progéniture! Autre fait intéressant : certaines guêpes sont solitaires et ne possèdent pas de dard. En fait, tout comme pour les abeilles, c’est la grande majorité des guêpes indigènes du Québec qui sont solitaires. Plusieurs de ces dernières ont adopté un mode de vie parasitoïde d’autres insectes, ce qui leur vaut d’être très étudiées, par exemple pour la lutte biologique. On peut facilement reconnaître les guêpes par leurs couleurs et motifs aposématiques, servant à annoncer à leurs prédateurs le danger qu’elles posent, leur quasi-absence de setae et la séparation marquée entre leur thorax et leur abdomen. C’est d’ailleurs de là que vient l’expression « avoir une taille de guêpe » 1, 3, 7!

Guêpe maçonne (Ancistrocerus gazella) qui butine sur une fleur. Photo par : Daphné Larivière.

Les fourmis, ces travailleuses acharnées

On ne peut pas parler des hyménoptères sans glisser un mot sur les fourmis, parfois oubliées au sein de cet ordre. Ces minuscules insectes fascinent petits et grands pour leur organisation sociale complexe. Toutes les espèces de fourmis sont eusociales et peuvent former des colonies immenses, pouvant contenir plusieurs millions d’individus. On estime d’ailleurs que, malgré qu’il n’y ait « que » 12 000 espèces décrites, leur population totale mondiale serait d’environ un quadrillion! Les fourmis de la caste ouvrière sont haptères, ce qui signifie qu’elles n’ont pas d’ailes, et peuvent être séparées en sous-castes en fonction de leur âge ou de leur taille. Les différents rôles qu’on y retrouve incluent l’entretien du nid, la défense de la colonie et les soins envers les larves, entre autres. La morphologie des sous-castes est également adaptée à leur rôle! Les fourmis peuvent adopter différents rôles écologiques selon leur alimentation et leur mode de vie. Certaines élèvent des colonies de pucerons pour en récolter le miellat, d’autres consomment des petits insectes morts, et plusieurs mangent des sucs de plantes et de fruits! Leur puissante adaptabilité à tous les environnements et leur capacité à travailler de concert sont la clé de leur succès global et de leur importance capitale au sein de tous les écosystèmes 2, 7.

Colonie de pucerons (Aphis sp.) élevée par des fourmis, qui en consomment le miellat. Photo par : Daphné Larivière.

Des insectes à protéger

Les hyménoptères, tout comme la majorité des insectes autour du monde, sont en constant déclin dans les dernières années. L’urbanisation cause une destruction de leurs habitats, tout comme l’aménagement de jardins contenant des plantes exotiques, nuisant à l’installation de plantes indigènes, nécessaires pour les pollinisateurs spécialisés comme certaines abeilles. Il est donc primordial de mettre de l’avant la protection de cette belle biodiversité afin d’assurer l’avenir de la planète. Des solutions simples s’offrent à nous. Construire un jardin nourricier de plantes indigènes, arrêter l’utilisation de pesticides et laisser des abris pour les insectes, comme les feuilles mortes au sol, sont de bons exemples d’actions concrètes permettant d’aider ces petites bêtes à continuer leur travail. Dans tous les cas, continuons de chanter leurs louanges 8, 11!

Bibliographie

  1. Espace Pour la Vie. (s.d.). Abeilles, guêpes et bourdons. https://espacepourlavie.ca/abeilles-guepes-et-bourdons
  2. Espace Pour la Vie. (s.d.). Les fourmis. https://espacepourlavie.ca/les-fourmis
  3. Espace Pour la Vie. (s.d.). Guêpes sociales. https://espacepourlavie.ca/guepes-sociales
  4. Espace Pour la Vie. (s.d.). Abeilles solitaires et abeilles sociales. https://espacepourlavie.ca/abeilles-solitaires-et-abeilles-sociales
  5. Espace Pour la Vie. (s.d.). Bourdons. https://espacepourlavie.ca/bourdons
  6. Faune et flore du pays. (s. d.). Les bourdons. https://www.hww.ca/fr/faune/invertebres/bourdons.html
  7. Gullan, P. et Cranston, P. (2014). The Insects: an Outline of Entomology. (5e éd.) De Wiley Blackwell.
  8. Kevan, P. et Monckton, S. (2017). Abeille. Dans L’Encyclopédie Canadiennehttps://doi.org/10.1002/9781405186407.wbiecs133.pub2  
  9. Martinet, B., Lecocq, T., Smet, J., et Rasmont, P. (2015). A Protocol to Assess Insect Resistance to Heat Waves, Applied to Bumblebees (Bombus Latreille, 1802). PLOS ONE, 10(3), e0118591. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0118591
  10. Peters, R. S., Krogmann, L., Mayer, C., Donath, A., Gunkel, S., Meusemann, K., Kozlov, A., Podsiadlowski, L., Petersen, M., Lanfear, R., Diez, P. A., Heraty, J., Kjer, K. M., Klopfstein, S., Meier, R., Polidori, C., Schmitt, T., Liu, S., Zhou, X., et al. (2017). Evolutionary History of the Hymenoptera. Current Biology, 27(7), 1013–1018. https://doi.org/10.1016/j.cub.2017.01.027  
  11. Goddard, M. A., Dougill, A. J., & Benton, T. G. (2010). Scaling up from gardens: biodiversity conservation in urban environments. Trends in Ecology & Evolution25(2), 90–98. https://doi.org/10.1016/j.tree.2009.07.016

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