Depuis le début de la crise actuelle liée à la Pandémie de la COVID-19, un ordre de mammifères autre que les humains a reçu une attention particulière des médias : les Chiroptères. Ici, nous parlons bien sûr des chauves-souris. Celles-ci sont considérées comme des suspects probables de l’origine de la maladie à coronavirus, plus communément appelée COVID-19, qui est causée par le virus au nom scientifique SRAS-CoV-2. Cette accusation est entre autre soutenue par le fait que la chauve-souris est un hôte pour de nombreux virus, dont le virus Marburg, l’Ebola et la rage¹.

Avant tout, qu’est-il important de connaître sur le SRAS-CoV-2? Il fait partie de la famille Coronaviridae, soit les coronavirus. Ces derniers ont une structure sphérique possédant des protéines spiculaires à la surface, ce qui leur procure un aspect semblable à une couronne. De plus, une caractéristique importante de ces virus est qu’ils sont enveloppés et non nus, ce qui signifie qu’ils possèdent une enveloppe extérieure formée d’une bicouche lipidique provenant de la cellule hôte qu’ils infectent et de plusieurs protéines virales². Les coronavirus sont aussi des virus dont le génome est formé d’un seul brin d’ARN, ils ont donc un taux de mutation plus élevé puisqu’ils ne possèdent pas les mécanismes habituels de réparation durant la réplication² ³. Cette propriété tend généralement à faire évoluer rapidement des nouvelles formes de virus, surtout lorsqu’on considère la quantité croissante d’humains infectés dans lesquels des virus peuvent muter².

Une modélisation du coronavirus

Le SRAS-CoV-2 fait également partie des virus reliés au syndrome SRAS, qui tient pour « Syndrome respiratoire aigu sévère »⁴. Le SRAS-CoV est un autre virus de ce groupe qui est porté par les chauves-souris et qui a causé, en 2003, une épidémie originant de Chine et ayant causé la mort de plus de 700 personnes⁵.

Ainsi, des recherches récentes de séquençage génomique du nouveau virus SRAS-CoV-2 appuient l’hypothèse selon laquelle sa transmission aurait également comme origine les chauves-souris. En effet, la séquence génomique de SRAS-CoV-2 est à 80% similaire à celle de SRAS-CoV⁴. Il existe même plusieurs autres coronavirus identifiés chez des chauves-souris qui ont une similitude génomique encore plus élevée avec le SRAS-CoV-2, allant jusqu’à une correspondance de 96.2%⁴.

Figure 1 : Comparaison par alignement des séquences d’acides aminées d’une protéine spécifique de SRAS-CoV-2 et de deux virus retrouvés chez des chauves-souris. Les séquences noires représentent les nucléotides identiques chez les trois virus. Source: Zhou et al., 2020.

Ceci n’est pas une simple coïncidence. En effet, la chauve-souris a développé, avec le temps, les caractéristiques du parfait hôte à virus. L’hypothèse principale suppose que ces adaptations auraient évoluées dans le but de réduire les dommages induits par le vol. D’ailleurs, les Chiroptères sont les seuls mammifères volants qui existent présentement. L’action de voler est énergétiquement très coûteuse et augmente drastiquement l’activité du métabolisme. Ce taux métabolique élevé semble causer des réponses immunitaires plus importantes aux infections et autres attaques. Le problème, c’est que plus le système immunitaire prend de temps à réagir, plus il cause de l’inflammation qui endommage les tissus et réduit l’espérance de vie⁶. Ainsi, pour se protéger, les chauves-souris ont développé des mécanismes leur assurant un système immunitaire très réactif. De plus, pour éviter l’inflammation dommageable produite par un tel système, certains gènes qui causent normalement cette inflammation sont absents du génome des chauves-souris¹. En bref, ces moyens de défenses expliqueraient leur longévité très élevée⁶.

C’est de cette histoire évolutive que découle leur capacité remarquable de pouvoir contenir un virus sous forme d’infection persistante sans toutefois démontrer de symptôme majeur provenant de ces pathogènes souvent très virulents, voir fatals, chez d’autres espèces. Pour cette raison, on dit que les chauves-souris sont des « réservoirs » à virus¹. Cette capacité est attribuable à leur système immunitaire très efficace, ce qui s’explique par le contrôle d’un processus nommé « voie d’interféron ». Ce processus est présent chez la plupart des Vertébrés et permet à la cellule de sécréter des protéines interférons lorsque de l’ADN ou de l’ARN étranger est détecté, et ces protéines activent par la suite des gènes antiviraux (qui luttent contre les virus). Généralement, ce processus n’est actif que lorsque du matériel génétiquement étranger est détecté. Or, certaines espèces de chauves-souris possèdent une voie d’interféron active en permanence, ce qui rend leur système immunitaire très réactif. Ceci limite la prolifération des virus pour maintenir une quantité contrôlée qui n’induit pas de symptômes : voilà ce qui leur procure cette immunité aux effets nocifs des virus dans leur système¹.

Toutefois, ces capacités de défense ne sont pas sans impact sur le virus lui-même! En effet, il a été observé que le système immunitaire des chauves-souris tend à faire évoluer des virus qui se propagent plus rapidement de cellule en cellule. Une mauvaise nouvelle pour nous les êtres humains, qui n’en subissons que plus de dommages¹. En terminant, il ne faut toutefois pas oublier: dans le positif comme dans le négatif, « Life finds a way ».

Sources:

  1. Brook, C. E., Boots, M., Chandran, K., Dobson, A. P., Drosten, C., Graham, A. L., … van Leeuwen, A. (2020). Accelerated viral dynamics in bat cell lines, with implications for zoonotic emergence. eLife, 9, e48401. doi:10.7554/eLife.48401
  2. Ashour, H. M., Elkhatib, W. F., Rahman, M. M. et Elshabrawy, H. A. (2020). Insights into the Recent 2019 Novel Coronavirus (SARS-CoV-2) in Light of Past Human Coronavirus Outbreaks. Pathogens, 9(3), 186. doi:10.3390/pathogens9030186
  3. Domingo, E. et Holland, J. J. (1997). Rna Virus Mutations and Fitness for Survival. Annual Review of Microbiology, 51(1), 151‑178. doi:10.1146/annurev.micro.51.1.151
  4. Zhou, P., Yang, X.-L., Wang, X.-G., Hu, B., Zhang, L., Zhang, W., … Shi, Z.-L. (2020). A pneumonia outbreak associated with a new coronavirus of probable bat origin. Nature, 579(7798), 270‑273. doi:10.1038/s41586-020-2012-7
  5. Santélog, COVID-19 : Le « SRAS » un précieux acquis de l’expérience. (2020, 11 mars). santé log. Repéré à https://www.santelog.com/actualites/covid-19-le-sras-un-precieux-acquis-de-lexperience
  6. Kacprzyk, J., Hughes, G. M., Palsson-McDermott, E. M., Quinn, S. R., Puechmaille, S. J., O’Neill, L. A. J. et Teeling, E. C. (2017). A Potent Anti-Inflammatory Response in Bat Macrophages May Be Linked to Extended Longevity and Viral Tolerance. Repéré à https://pubag.nal.usda.gov/catalog/5943162

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