Le mois de novembre commence à bien se faire sentir avec le mercure descendant et les heures d’ensoleillement qui se font plus rares. L’avènement de la saison hivernale peut refroidir certaines âmes. Vous avez déjà senti le bout de votre nez, vos doigts, vos orteils ou même vos oreilles refroidir à vive allure ? Et bien, le caribou vous confirmerait que lui aussi ! Le caribou (Rangifer tarandus) pratique l’hétérothermie périphérique, un mécanisme lui permettant de conserver sa chaleur corporelle en réduisant la température des tissus de ses extrémités. En raison d’un important rapport de la surface de ces extrémités à leur volume et de leur moins bonne isolation, les pertes de chaleur sont favorisées aux extrémités, telles les pattes et le museau.1 Les caribous laissent ainsi la température de leurs pattes descendre à quelques degrés au-dessus du gel. La diminution de la différence entre la température extérieure et celle des tissus des extrémités permet d’éviter que la chaleur s’en échappe. Le caribou régule la température de ses membres en utilisant deux stratégies, soit la réduction du flux sanguin et l’échange de chaleur vasculaire à contre-courant.2 Ce mécanisme est en fait une adaptation circulatoire visant à transférer la chaleur des vaisseaux sanguins contenant le sang artériel, un sang plus chaud, vers les vaisseaux contenant le sang veineux, plus froid. Le sang artériel irriguant les extrémités est donc refroidi, ce qui permet de minimiser la perte de chaleur vers l’extérieur.

Une production plus importante d’acides gras insaturés dans la moelle osseuse des extrémités permet également à ces tissus de maintenir de basses températures.3

Photo de Lynn Smith.

En plus de contribuer au maintien de sa température idéale, les pattes du caribou sont également munies d’un “outil” favorisant l’entraide au sein de son troupeau. En effet, des glandes odorantes résident à la base des chevilles du cervidé. Lorsque les adultes perçoivent un danger, ces glandes produisent une odeur reconnue par les autres individus et interprétée comme un avertissement.4,5 Ceux-ci sont ainsi alertés d’un possible danger ! 

Nous pourrions envier cette espèce emblématique pour ces ingénieuses adaptations, dont nous pourrions nous-même bénéficier en ces temps plus frais de novembre. Toutefois, sa situation actuelle n’a malheureusement rien d’enviable. En effet, en sol québécois, les écotypes forestier et montagnard du caribou (Rangifer tarandus) sont respectivement désigné comme espèces vulnérable et espèce menacée, en vertu de la Loi sur les espèces menacées et vulnérables.6 Le déclin drastique de certaines populations de caribou a engendré plusieurs initiatives en recherche. Celles-ci ont un rôle important dans l’accélération de  la mise en place de mesures et de recommandations pour favoriser la conservation de l’espèce. Dans un contexte de changements climatiques et de développement anthropique, plusieurs facteurs contribuent à ce déclin continu. L’aménagement forestier, par exemple, transforme continuellement l’habitat du caribou. En plus de perturber ses comportements routiniers, ces transformations favorisent l’augmentation démographique des prédateurs du caribou, le loup gris (canis lupus lupus)  et l’ours noir (Ursus americanus).  Le cas du caribou s’est immiscé au cœur de la politique provinciale dans les dernières années. Le gouvernement québécois s’est engagé, en 2019, à mettre sur pied une stratégie pour assurer la pérennité de l’espèce. La mise en place de mesures élaborées concernant l’industrie forestière, la protection du territoire de l’espèce et la gestion de ses prédateurs devrait débuter en 2023.7

Si la situation ne change pas, nous risquons de voir les caribous montagnards disparaître au Québec.  En effet, les modèles de population prévoient l’extinction probable de cet écotype, d’ici 2056.8 En continuant de produire des connaissances scientifiques sur l’habitat, le comportement et sur les besoins du caribou et en alliant celles-ci au pouvoir politique, une lueur d’espoir règne dans ce combat pour assurer la vitalité de l’espèce. Munissons-nous de nos plus chaudes mitaines, comme nous ne sommes pas dotés d’adaptations aussi ingénieuses que notre cher caribou, afin de supporter cette lutte pour préserver l’un de nos emblèmes nationaux !  

Sources:

  1. Johnsen, H. K., Blix, A. S., Jorgensen, L. and Mercer, J. B. (1985b). “Vascular basis for regulation of nasal heat exchange in reindeer.” Am J Physiol Regulatory Integrative Comp Physiol 249: 617-623. 
  2. Parker, K. L., & Robbins, C. T. (2018). Thermoregulation in ungulates. In Bioenergetics of wild herbivores (pp. 161-182). CRC Press.
  3. Meng, M. S., West, G. C. and Irving, L. (1969). “Fatty acid composition of caribou bone marrow.” Comparative Biochemical Physiology 30: 187-191.
  4. Unger, K. (2015). Behavioural responses of Newfoundland woodland caribou to predator cues (Doctoral dissertation, Memorial University of Newfoundland).
  5. Andersson, G., Brundin, A., & Andersson, K. (1979). Volatile compounds from the interdigital gland of reindeer (Rangifer t. tarandus L.). Journal of Chemical Ecology, 5(3), 321-333.
  6. Ministère des Forêts, de la Faune et des Parc (2021). Le caribou au Québec. Repéré au https://mffp.gouv.qc.ca/la-faune/especes/caribou-quebec/ 
  7. Ministère des Forêts, de la Faune et des Parc (2021). La stratégie pour les caribous forestiers et montagnards. Repéré au https://mffp.gouv.qc.ca/la-faune/especes/caribou-quebec/amenagement-habitat-caribou-forestier/
  8. Gouvernement du Canada (2014). Profil d’espèce : Caribou population de la Gaspésie-Atlantique. Repéré au https://faune-especes.canada.ca/registre-especes-peril/species/speciesDetails_f.cfm?sid=144

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