La cueillette des champignons, c’est un art. C’est d’ailleurs le “sport national” en République Tchèque, qui lorsque vient l’envie – fréquente – de champignons, ne vont pas au supermarché, mais plutôt en forêt ! Le plaisir est surtout retrouvé lors des promenades dans les bois, où les arbres font frémir leurs feuilles rougies par l’automne, encore mouillés par la pluie qui vient de tomber. C’est le moment propice pour l’apparition des champignons; ils dressent lentement leurs chapeaux au-dessus du sol humide. Mais les champignons que nous apercevons, dissimulés à moitié sous la mousse, font partie d’un ensemble bien plus grand, qui est essentiel à la survie même de la forêt.

Lorsque vous vous promenez en forêt, vous marchez au-dessus d’un gigantesque réseau de champignons qui s’étend dans l’entièreté du sol. Il s’entremêle avec le réseau de racines des arbres qui s’élèvent dans la forêt. Ce réseau de mycorhizes consiste en une association intime entre les hyphes de fungi et les cellules des racines ¹. Les hyphes sont des cellules filamenteuses qui constituent le corps végétatif du fungi, le thalle ².  Il existe deux types de mycorhize: l’ectomycorhize et l’endomycorhize. Dans le premier cas, le fungi est localisé entre les cellules de la racine; dans le second, il colonise l’intérieur des cellules ¹. 

Schéma des différences de colonisation des racines entre les ectomycorhizes et les endomycorhizes ³. 

 

Si cette association entre fungi et végétal est aussi fréquente, concernant environ 90% des espèces végétales terrestres, c’est parce qu’il s’agit d’une symbiose, qui par définition bénéficie les deux organismes associés. Les hyphes du champignon couvrent une superficie bien supérieure à celle à laquelle ont accès les racines des arbres. Le fungi a donc à sa disposition une quantité et une richesse de minéraux du sol et d’eau que les racines ne peuvent atteindre. En échange de ces minéraux que le végétal reçoit du champignon, comprenant notamment du phosphore, du nitrogène et du potassium, les racines offrent du carbone. Certaines espèces de fungi sont spécifiques à l’espèce de végétaux qu’ils vont coloniser, ce qui explique d’ailleurs que certains champignons ne sont trouvés qu’au pied de certains arbres. Mais beaucoup d’espèces fongiques ne sont pas spécifiques et peuvent former des connexions avec différentes espèces d’arbres ¹. 

Cette association existe également à un autre niveau. Le réseau de champignons ainsi que le réseau racinaire sont tous les deux diffus: ils sont certes associés entre eux à un niveau cellulaire intime, mais la très large partie de leurs filaments qui sont libres dans le sol peuvent s’associer à un autre individu qui va leur servir d’hôte.  Ils ne se limitent pas à une seule association. Ce concept implique qu’un réseau fongique va faire de multiples symbioses avec une grande quantité d’arbres, et va ainsi permettre la connexion et la communication entre ces derniers. En effet, cet enchevêtrement de fungi permet le transfert de nutriments d’un arbre à un autre ¹. 

Le transfert de nutriments entre deux arbres de la même espèce par le réseau de champignons est déjà un concept assez spectaculaire. Mais ce qui l’est encore plus, c’est le transfert de nutriments entre des arbres appartenant à des espèces différentes. Le transfert de carbone a été étudié entre le bouleau à papier et le sapin de Douglas: à l’aide de marquage par carbone radioactif, il a été démontré que ces deux espèces s’échangent du carbone dans les deux sens. L’échange se fait de deux manières: soit via le sol, soit via les mycorhizes qui les connectent. Cependant, la quantité de carbone échangée via le sol représente seulement un tiers de la quantité de carbone échangée via les mycorhizes 4. Le réseau de fungi et les connexions qu’ils permettent semblent être essentiels à la prospérité des arbres et de la forêt. 

En conclusion, j’aimerais vous diriger vers un livre que j’ai particulièrement apprécié, de Suzanne Simard, dont les articles ont été utilisés pour référencer ce texte. “Finding the Mother Tree” nous informe sur les recherches qu’a effectuées Suzanne Simard sur les mycorhizes et la communication entre les arbres. Elle aborde ses débuts dans l’écologie forestière et l’évolution de ses projets qui ont mené à un bouleversement de la compréhension générale des relations entre arbres. Son livre m’a poussé à écrire ce fun fact et à partager une fraction de ce que j’y ai appris. 

Sources :

  1. Selosse, M. A., Richard, F., He, X., & Simard, S. W. (2006). Mycorrhizal networks: des liaisons dangereuses?. Trends in ecology & evolution, 21(11), 621–628. https://doi.org/10.1016/j.tree.2006.07.003
  1. Cole GT. Basic Biology of Fungi. In: Baron S, editor. Medical Microbiology. 4th edition. Galveston (TX): University of Texas Medical Branch at Galveston; 1996. Chapter 73. Available from: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK8099/
  1. Bonfante, P., & Genre, A. (2010). Mechanisms underlying beneficial plant-fungus interactions in mycorrhizal symbiosis. Nature communications, 1, 48. https://doi.org/10.1038/ncomms1046
  2. Philip, L., Simard, S., & Jones, M. (2010). Pathways for below-ground carbon transfer between paper birch and Douglas-fir seedlings. Plant Ecology & Diversity, 3(3), 221–233.10.1080/17550874.2010.502564

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