Rachel Carson (1907- 1964)
« Il y avait un étrange silence dans l’air. Les oiseaux par exemple – où étaient-ils passés? On se le demandait, avec surprise et inquiétude. Ils ne venaient plus picorer dans les cours. Les quelques survivants paraissaient moribonds ; ils tremblaient, sans plus pouvoir voler. Ce fut un printemps sans voix… Les générations à venir nous reprocherons probablement de ne pas nous être souciés davantage du sort futur du monde naturel, duquel dépend toute vie ».
– Rachel Carson
L’écriture, puis la biologie marine
Rachel Carson est née le 27 mai 1907 en Pennsylvanie, à Springdale. Alors qu’elle était encore jeune, son intérêt pour les sciences de la nature ne cessait de s’agrandir, sa mère lui apprenant les bases de l’écologie des étangs, des champs et des forêts. D’ailleurs, c’est aussi cette dernière qui lui apprit que l’ensemble des éléments de la nature avait sa propre fonction et que personne ne devrait essayer d’arrêter cela; un message qui prit tout son sens un peu plus tard dans la vie de Carson. D’un autre côté, elle s’intéressait aussi à la littérature et était spécialement douée pour l’écriture.
Elle entre donc au collège féminin de Pennsylvanie dans le but de devenir écrivaine, mais réalise peu à peu que ses principaux intérêts se tournent vers la biologie marine, et c’est dans cette discipline qu’elle continuera d’étudier jusqu’à sa graduation, en 1929. Par la suite, elle étudie au Woods Hole Marine Biological Laboratory puis à l’Université John Hopkins où elle termine une maitrise en zoologie en 1932. De 1936 à 1952, Carson travaille au bureau national des pêcheries; elle y occupe le poste de rédactrice en chef des publications de 1949 à 1952. C’est en 1941 qu’elle publie Under the Sea-Wind, son premier ouvrage alliant ses deux passions : la biologie marine et l’écriture. Dix ans plus tard, elle publie The Sea Around Us, et finalement, en 1955, The Edge of the Sea, les deux derniers de la trilogie d’excellente qualité scientifique et habilement expliquée avec style, presque poétiquement. Cette trilogie explique, par vision écologique de la nature, le réseau qui relie les mollusques aux oiseaux marins, puis les oiseaux marins aux poissons des abîmes les plus inaccessibles de l’océan.
Le DDT et le Silent Spring
Développé en 1939, le Dichloro-diphenyl-trichloroethane (DDT) a d’abord servi à éradiquer les moustiques causant la Malaria aux troupes et habitants lors de la seconde guerre mondiale, en affectant leur système nerveux. En 1945, il est devenu accessible à tous pour la protection des cultures. C’est un pesticide universel, et c’est la principale raison pour laquelle il fut utilisé avec abus. Au contraire de certains pesticides, qui ciblent certaines espèces d’insectes seulement, le DDT peut tuer une variété d’espèces beaucoup plus grande par une même application, exterminant au passage des espèces inoffensives contribuant à l’écologie du milieu. Le DDT est aussi reconnu pour sa persistance dans l’environnement. Il persiste jusqu’à 150 ans dans l’eau, et s’incruste facilement dans les tissus des animaux qui l’ingèrent. Les animaux les plus touchés, principalement les espèces d’oiseaux, sont donc ceux qui se trouvent au sommet de la chaîne trophique, puisqu’il y a eu bioamplification de DDT dans chacun des niveaux inférieurs.
En 1957, une grande quantité de DDT a été projetée sur le sanctuaire d’oiseaux du Massachusetts par avions. Un an plus tard, Carson reçut une lettre de son amie Olga Owens Huckins, la propriétaire du sanctuaire, lui disant que les oiseaux montraient les mêmes symptômes que les insectes face au DDT. On n’entendait plus les oiseaux chanter, c’était un printemps silencieux. Le 16 juin 1962, le magasine New Yorker présente les trois premiers extraits du quatrième ouvrage de Carson : Silent Spring, écrit à la suite de la lettre de Huckins. Silent Spring explique à quel point les pesticides sont nocifs ainsi que le processus par lequel le DDT s’incruste dans les tissus animaux et est rapidement bioamplifié le long de la chaîne trophique. Chez les oiseaux, il cause un amincissement des coquilles d’œufs, empêchant les populations de se régénérer. Le livre fut un énorme succès et suscita une angoisse générale en Amérique du Nord par rapport au DDT.
Rachel Carson est décédée d’un cancer du sein le 14 avril 1964 à Silver Springs, dans le Maryland, alors qu’elle ignorait encore à quel point elle allait changer le monde. En 1972, l’utilisation du DDT fut proscrite en Amérique du Nord. Jusque là, plus d’un milliard de kilogrammes de DDT avait été projeté dans l’environnement. Aujourd’hui, on essaie de favoriser la lutte biologique au détriment des pesticides, même si le DDT est encore présent et continue de se bioamplifier. Avec l’écriture de Silent Spring, Rachel Carson nous a montré qu’il est possible de faire un pas vers la conservation de la biodiversité et changer les habitudes d’un peuple entier.
Pour en savoir plus : https://www.youtube.com/watch?v=Ipbc-6IvMQI
“But man is a part of nature, and his war against nature is inevitably a war against himself.”
Références
Gouvernement du Canada (2007). Le DDT (En ligne), Science.gc.ca. Consulté le 7 mars 2015 http://www.science.gc.ca/default.asp?Lang=Fr&n=730D78B4-1
Lear, L. (1996). The Life and Legacy of Rachel Carson (En ligne), RachelCarson.org. Consulté le 6 mars 2015. http://www.rachelcarson.org/Biography.aspx#.VPtTimTF-iY
Lecomte, E. (2014). Google célèbre l’anniversaire de la biologiste Rachel Carson (En ligne), Sciences et Avenir. Consulté le 7 mars 2015. http://www.sciencesetavenir.fr/a-voir-a-faire/20140527.OBS8598/google-celebre-l-anniversaire-de-la-biologiste-rachel-carson.html
Natural Resources Defence Council (2013). The Story of Silent Spring (En ligne), NRDC.org. Consulté le 6 mars 2015. http://www.nrdc.org/health/pesticides/hcarson.asp