Dans les années 2000, une découverte fit grand bruit parmi la communauté scientifique quand trois chercheurs marins révélèrent l’origine de petits gazs émis la nuit à plus de 40 mètres de profondeur dans la mer. Leur explication ? Des pets de harengs. Ou plutôt des FRT (Fast Repetitive Ticks – Tiques répétitifs rapides en français). Mais il fut assez évident que le terme “harengs péteurs” rendit la découverte tout de suite plus aguicheuse. Et ce n’est ni la presse ni le grand public qui l’aurait nié. Cette nouvelle qui défraya la chronique sur un ton presque grotesque relève en fait de plusieurs études qui développent un phénomène bien plus surprenant qu’il ne paraît.

Les harengs furent des objets de recherche très appréciés des biologistes marins entre les années 1960 et 2000. On leur découvrit déjà des rejets gazeux étonnants venant d’une fuite d’air au niveau de la vessie natatoire, celle qui contrôle leur flottabilité. En effet, en changeant de profondeur, ces poissons expulsent le gaz récupéré à la surface pour compenser le niveau de pression de l’eau. L’organe gazeux (soit la vessie natatoire) étant relié à la fois au tube digestif et à l’ouverture anale, l’émission de ces petites bulles sonores baptisées FRT restait encore un peu mystérieuse. 

C’est en 2004 que les chercheurs américains Ben Wilson, Robert Wattis et Lawrence M.Dill, mirent la lumière sur la fonction cachée de ces impulsions sonores semblables à des bruits de pets. En étudiant les harengs du Pacifique (Clupea pallasii) et de l’Atlantique (Clupea harengus), ils suggérèrent que le “souffle de la petite framboise” décrit ainsi par Wattis, aurait sans doute un lien avec la communication nocturne au sein du banc de poissons. 

Trois constats les ont mené à cette hypothèse : dans un premier temps, on remarqua que les harengs mis en aquarium émettent ces mêmes salves de pulsations, pourtant sans aucune variation de pression ou de température. Surtout que plus ils seront nombreux, plus on comptera de FRT. En second lieu, il a été noté que ces poissons ne sont bruyants que la nuit, ce qui pourrait indiquer que le son servirait potentiellement à la localisation des pairs. Pour finir, ces sons ne semblent audibles que par ces derniers, laissant entendre une communication préventive entre harengs à couvert d’autres prédateurs. 

Mais si l’ensemble de ces résultats valurent aux trois chercheurs, un prix Nobel Ig -décerné aux découvertes inédites invitant à la réflexion-, leurs recherches n’en furent pas moins exposées à l’état de théories. Victime de son potentiel humoristique, la découverte pris une ampleur considérable à sa publication tandis que les scientifiques approfondirent sur le sujet…

D’autres recherches menèrent plus tard aux conclusions que les harengs ne sont pas les seuls poissons capables de telles sonorités; d’autres poissons peuvent produire des FRT ou des sons similaires à ceux-ci. En outre, leur origine ne viendrait pas forcément des fameuses bulles observées comme chez le hareng mais plus probablement d’un frottement d’air entre les organes. Adieu flatulences et autres bruits disgracieux !

Une chose est sûre : l’anecdote aussi drôle qu’elle puisse être a amené les scientifiques à découvrir le large panel de sons que cache une multitude d’espèces de poissons dans le monde. Maintenant, il ne manque qu’à mettre les gazs pour trouver si ces sons auraient une réelle fonction sociale ou pas.

Sources:

  1. Biever, C. (2003). Fish farting may not just be hot air. NewScientist. Doi : https://www.newscientist.com/article/dn4343-fish-farting-may-not-just-be-hot-air/
  2. LeChevalier, H. (2019). Le mythe des harengs qui pètent. Ad Naturam. Doi : https://adnaturamblog.files.wordpress.com/2020/02/17-le-mythe-des-harengs-qui-petent.pdf
  3. Marchand, S. (2016). Du nouveau sur le pet directionnel du hareng. Quand la science dérape en thriller (5). L’Opinion. Doi : https://www.lopinion.fr/edition/autres/nouveau-pet-directionnel-hareng-107480
  4. Wahlberg, M., & Westerberg, H. (2003). Sounds produced by herring (Clupea harengus) bubble release. Aquatic Living Resources, 16(3), 271-275. https://doi.org/10.1016/S0990-7440(03)00017-2
  5. Wilson, B., Batty, R. S., & Dill, L. M. (2004). Pacific and Atlantic herring produce burst pulse sounds. Proceedings of the Royal Society of London. Series B: Biological Sciences, 271(suppl_3), S95-S97. https://doi.org/10.1098/rsbl.2003.0107
  6. https://www.herripedia.com/farting/

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