À l’heure où les médias sont saturés par les nouvelles relatives au virus COVID-19, un nouveau sujet se fraye timidement une place dans les informations quotidiennes : les effets indirects du virus sur l’état mondial des écosystèmes, sur le réchauffement climatique. Certes, c’est un sujet qui est directement relié à celui de la pandémie, mais sous un autre regard. Un regard plus optimiste. Est-il permis, d’être optimiste, d’observer un côté positif de la situation, en ces temps sombres ?

Il y a un certain paradoxe dans l’impact de la pandémie actuelle sur l’environnement : d’un côté, l’utilisation des contenants et emballages à usage unique est la solution privilégiée actuellement pour limiter la diffusion du virus. Alors que nous luttons pour diminuer la présence du plastique dans l’industrie et les usages quotidiens, voilà que celui-ci ressurgit et la contestation de son utilisation n’est pas discutable. Mais de l’autre côté, le confinement planétaire de la population s’illustrant par une utilisation minimale des transports entraîne une diminution considérable de la pollution atmosphérique. De nombreux rapports écologiques font état de ces bouleversements radicaux sur le bien-être de la Terre. Maladie humaine, mais santé environnementale? 

Depuis le début de la pandémie, des changements remarquables ont effectivement pu être observés autour de la planète. L’eau des canaux de Venise, en Italie, est redevenue claire suite à la diminution drastique du trafic des bateaux – suffisamment claire pour y observer de nouveau des poissons. En Inde, les habitants de New Delhi peuvent apercevoir l’Himalaya depuis la capitale, dû à la levée du voile de pollution entourant la ville. Dans le monde entier, des animaux sauvages sont observés se déplaçant librement dans les villes confinées délestées de l’activité humaine¹. En Chine, épicentre de la pandémie, la diminution de l’utilisation du charbon liée au ralentissement de la production a entraîné une baisse d’environ 25% des émissions de gaz carbonique (CO₂) du pays, en seulement 4 semaines². À Los Angeles, Seattle, New York, les émissions de gaz à effet de serre ont considérablement diminué ces derniers mois.

Comparaison des émissions de gaz à effet de serre à New-York en 2019 et 2020. Cartes par Descartes Labs. Source: The New York Times.

Mais c’est une victoire à ne pas prendre pour acquise. En 2019, les feux en Australie ont provoqué plus d’émissions de CO₂ en quelques mois que ce que l’Australie émet en moyenne au total en un an³. Une étude de Notz et al. (2020) publiée ce mois-ci prédit qu’il serait possible que la glace fonde entièrement durant les étés en Arctique d’ici 2050⁴. Des états des lieux qui font froid dans le dos. Ces changements observés actuellement doivent être un exemple, un vecteur de prise d’action sur le long terme. 

En mars, le professeur de sciences à l’Université Stanford en Californie Rob Jackson estimait qu’une diminution de 5% des émissions mondiales de gaz carbonique pourrait être observée suite à la pandémie⁵. À titre indicatif, les dernières diminutions considérables du CO₂ atmosphérique datent de la Seconde Guerre Mondiale, avec environ 5% de baisse, et de la crise économique de 2008, avec une baisse de 1.4%. Cependant, les émissions ont subi une nouvelle hausse à la suite de chacune de ces crises. Selon un rapport de l’Organisation des Nations Unies (ONU), les émissions mondiales de CO₂ devront baisser d’en moyenne 7.6% par an pour que la planète ait une chance de limiter l’augmentation de la température à 1.5° Celsius, objectif fixé lors de la COP21. 

Evolution des émissions mondiales de dioxyde de carbone. Des diminutions de l’émission ont été notées durant les choc pétroliers de 1973 et 1978, mais dont la proportion n’est pas aussi considérable que celle des baisses de 1945 et 2008-2009.

Le virus, à travers la manière dont il est arrivé dans la population humaine, nous a fait reconsidérer le rapport de l’Homme à la nature: à quel point l’Homme peut exercer un impact sur les écosystèmes, à travers par exemple la prédation d’animaux exotiques pour l’alimentation, avant que cet impact se retourne contre lui de manière négative? La directrice exécutive du programme des Nations Unies pour l’Environnement (UNEP), Inger Andersen, explique dans un interview avec The Guardian que 75% des infections émergentes proviennent d’animaux sauvages, ce qui est déjà démontré par l’étude de Taylor et al. en 2001⁶. Inger Andersen souligne que “L’érosion des espaces sauvages a augmenté notre proximité aux animaux porteurs de virus qui peuvent êtres transmis à l’Homme”. Le lien entre Homme et nature sauvage semble plus proche que jamais avec l’impact du COVID-19 qui est établi comme étant de source animale. Les changements environnementaux s’alignent dans le même chemin, et démontrent déjà d’impacts désastreux. 

Photo par ©Marcus Spiske.

Un autre message qui s’illustre à travers la crise actuelle est le suivant: la science se doit d’être considérée à sa juste valeur et les avertissements des scientifiques regardant tout autant des risques sanitaires qu’environnementaux doivent être pris au sérieux dans leur contexte. Un moyen de créer un sentiment de peur collective? Non, plutôt une façon d’être informé de façon concrète et réaliste. Il est primordial de considérer l’information scientifique comme vecteur des mesures à prendre au vu de nombreuses crises mondiales. Aujourd’hui, le scepticisme lié à la crise du coronavirus et ses impacts n’a de manière évidente pas sa place dans la société – et cela n’est nulle part contesté. Alors, de la même manière, le scepticisme regardant les changements climatiques et l’impact humain sur ces derniers ne devrait pas avoir sa place dans le monde actuel. Une telle crise sanitaire comme celle du COVID-19 fait réaliser mondialement aux sociétés que des mesures doivent être prises et qu’il faut se montrer davantage préparés à lutter efficacement contre de potentielles pandémies. La crise environnementale, tout aussi meurtrière, devrait tout autant faire prendre conscience aux sociétés de la nécessité d’agir rapidement et concrètement pour éviter l’irréparable. 

Le réchauffement climatique est le virus qui menace la planète.

La question qui se pose, à l’heure actuelle, est alors la suivante : cela nous servira-t-il de leçon ? Cette recrudescence d’une nature comme nous la rêvons, ce nouveau souffle pour la planète, ce temps de répit pour mère nature, serviront-ils d’exemple à ce qu’est un monde où nous limitons considérablement notre empreinte écologique ? Vers un éveil collectif des consciences, où la reprise d’un engrenage destructeur à la suite de cette pandémie ? Seul le temps nous le dira.

Sources:

  1. https://www.theguardian.com/environment/2020/apr/22/environment-pandemic-side-effects-earth-day-coronavirus
  2. https://www.industry.gov.au/data-and-publications/estimating-greenhouse-gas-emissions-from-bushfires-in-australias-temperate-forests-focus-on-2019-20
  3. https://www.industry.gov.au/data-and-publications/estimating-greenhouse-gas-emissions-from-bushfires-in-australias-temperate-forests-focus-on-2019-20
  4. Notz, D., Dörr, J., Bailey, D. A., Blockley, E., Bushuk, M., Debernard, J. B., … & Fyfe, J. C. Arctic Sea Ice in CMIP6. (2020). Geophysical Research Letters, e2019GL086749. https://doi.org/10.1029/2019GL086749
  5. https://www.connaissancedesenergies.org/tribune-actualite-energies/avec-le-covid-19-une-decrue-historique-des-emissions-mondiales-de-co2-est-amorcee
  6. Taylor, L. H., Latham, S. M., & Woolhouse, M. E. (2001). Risk factors for human disease emergence. Philosophical Transactions of the Royal Society of London. Series B, Biological Sciences, 356(1411), 983‑989. https://doi.org/10.1098/rstb.2001.0888

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.