C’est dans mon entourage que je puise les sujets sur lesquels je veux approfondir ma connaissance, et particulièrement lorsque cela touche la biologie de près ou de loin. Depuis quelques années, j’ai remarqué que plusieurs personnes se découvraient intolérantes au lactose, comme si c’était la réponse à tous les maux. Pourtant, la baisse de l’activité enzymatique à la suite d’un sevrage de produits contenant du lactose est chose normale pour la plupart des humains. Les descendants de peuples qui font l’élevage de bétail domestique, en mesure de consommer des produits laitiers, sont les exceptions à cette règle (Deng et al., 2015). D’ailleurs, on peut observer cette tendance lorsqu’on regarde le taux d’intolérance au lactose dans différentes parties du globe. Par exemple, en Orient le taux d’intolérance se situe entre 80 et 100%, tandis que plus près de nous en Amérique du Nord et en Europe de l’ouest le taux est autour de 20% (Kumar et al., 2015) (Table 1).
Même si beaucoup d’entre nous savent ce qu’est l’intolérance au lactose ou du moins connaissent quelqu’un qui en souffre, très peu en connaissent les mécanismes spécifiques. Le lactose est un disaccharide* composé d’un monomère* de glucose et un de galactose. Son enzyme spécifique, la lactase, sépare le lactose en deux par hydrolyse* au niveau de la liaison glycosidique* qui unit le glucose au galactose ; une fois séparés ces deux sucres simples sont digestibles (Tomar, 2014).
Donc, l’intolérance survient lorsque la sécrétion de lactase est inadéquate, causant une accumulation de lactose dans l’intestin puisqu’il n’est pas digéré. Cette accumulation de lactose attire l’eau dans l’intestin par osmose*, l’eau stimule les contractions musculaires du tube digestif, accélérant le transit intestinal et conséquemment limitant davantage l’absorption de nutriments. Les symptômes de l’intolérance tels que le ballonnement et les crampes sont causés par cet accumulation d’eau dans l’intestin. Les molécules de lactose résiduelles sont consommées par fermentation dans le colon par des bactéries anaérobiques*, laissant comme sous-produits des gaz et des acides organiques (Tomar, 2014). Les gaz formés par la fermentation sont majoritairement du dihydrogène (H2), du dioxyde de carbone (CO2) et du méthane (CH4); la proportion de chacun de ces gaz dépend de la répartition des différentes populations bactériennes dans le système digestif (Deng et al., 2015).
Par contre, il faut être prudent à ne pas s’autoproclamer intolérant au lactose, car d’autres conditions peuvent occasionner des symptômes similaires à l’intolérance au lactose, comme la petite surcroissance bactérienne intestinale (SIBO), dont les causes sont différentes (Deng et al., 2015).
Toutefois, il est clair que ce n’est pas tout le monde qui souffre de l’intolérance au lactose malgré le fait qu’il s’agit un phénomène naturel. En fait, la capacité à continuer de sécréter de la lactase à l’âge adulte, appelée la persistance de la lactase, est due à une mutation d’un gène dans le deuxième chromosome. De plus, différentes mutations sont observées pour des gens possédant la persistance de la lactase provenant de différentes régions du monde. On peut donc en conclure que la mutation est apparue à plusieurs reprises indépendamment une de l’autre à différents moments de l’histoire évolutive de l’humain (Deng et al., 2015).
Qu’à cela ne tienne, heureusement pour les hétérozygotes* de ce monde, grâce au caractère dominant de l’allèle* codant pour la persistance de la lactase, (Deng et al., 2015) ils peuvent apprécier les produits laitiers.
Glossaire✝:
Allèle: Chacune des différentes formes possibles d’un même gène.
Anaérobique: Qualifie un microorganisme qui ne peut vivre qu’en l’absence d’oxygène ou dont le développement est possible en l’absence d’oxygène.
Disaccharide: Sucre simple formé de deux monomères (voir Monomère).
Hétérozygote: Se dit d’une cellule ou d’un individu qui possède deux allèles distincts pour un même gène (Voir Allèle).
Hydrolyse: Réaction chimique de l’eau dans laquelle l’eau joue le rôle d’un réactif brisant une liaison.
Liaison glycosidique: Liaison chimique qui relie deux sucres.
Monomère: Groupement chimique ou petite molécule dont la répétition séquentielle constitue une grosse molécule encore appelée polymère.
Osmose: Phénomène de diffusion d’un solvant à travers une membrane semi-perméable, d’une solution de concentration plus faible vers une solution de concentration plus forte.
Sources:
Deng, Y., Misselwitz, B., Dai, N., & Fox, M. (2015). Lactose Intolerance in Adults: Biological Mechanism and Dietary Management. Nutrients, 7(9), 8020–8035. Repéré à http://doi.org/10.3390/nu7095380
Kumar, B. V., Vijayendra, S. V. N., & Reddy, O. V. S. (2015). Trends in dairy and non-dairy probiotic products – a review. Journal of Food Science and Technology, 52(10), 6112–6124. Repéré à http://doi.org/10.1007/s13197-015-1795-2
Tomar, B. S. (2014). Lactose Intolerance and Other Disaccharidase Deficiency. The Indian Journal of Pediatrics, 81(9), 876–880. Repéré à http://doi.org/10.1007/s12098-014-1346-2
Exemple de réaction enzymatique : l’hydrolyse du lactose. Digital image.Laboratoire D’enseignement Multimédia. N.p., n.d. Web. 10 Oct. 2015. <http://www-lemm.univ-lille1.fr/>.
✝: http://www.granddictionnaire.com/index.aspx