Ici, je ne veux pas parler uniquement du clitoris de la femme. Il est bien sûr important d’enfin lever le voile là-dessus, de jeter par la fenêtre ce tabou autour du clitoris qui persiste pour des raisons qui frôlent l’ésotérisme ou la peur, mais de plus en plus de ressources existent afin de s’informer en détail sur celui-ci. Et juste pour votre information, voici la morphologie type d’un clitoris chez la femme :
Maintenant que c’est fait, passons au cœur du sujet.
Quand est-il apparu?
Il n’existe pas d’informations précises sur la place du clitoris dans l’arbre génétique, considérant que peu d’espèces ont fait l’objet d’une étude décrivant la morphologie de leur clitoris1. Par contre, plusieurs études associent son apparition à celle du pénis, considérant que c’est l’organe homologue du clitoris. En effet, chez l’humain, c’est le tube génital, commun aux deux sexes, qui se différencie en organe sexuel masculin ou féminin après quelques semaines de gestation2-3.
En fait, l’apparition du pénis dans l’arbre génétique est corrélée à la divergence des Amniota, l’ancêtre commun de ce clade possédant en effet un phallus érectile4. Plus précisément, jusqu’à ce jour, ce sont tous les euthériens, amniotes développant un placenta, qui sont considérés possédant un clitoris5-6 de même que certains autres animaux où le mâle possède un organe phallique comme par exemple le crocodile, les tortues ou l’autruche5. Avec le temps, la majorité des mammifères ont développé un os au niveau de leur partie génitale, facilitant la pénétration chez les mâles7 et n’ayant aucune fonction définie chez les femelles8… Ce manque de connaissances sur le clitoris est un peu redondant, non?
Mais… Pourquoi le clitoris?
Qui n’a pas déjà entendu une femme de son entourage clamer haut et fort que le clitoris était le seul organe destiné uniquement au plaisir? Et bien, malheureusement, le plaisir ne peut pas à lui seul expliquer l’apparition d’un organe au niveau évolutif (sorry). De plus, cette affirmation anthropocentrique réduit de beaucoup l’importance du clitoris dans le règne animal et de récentes recherches dans le domaine démontrent qu’il y aurait peut-être plus à dire là-dessus que ce que l’on croyait jusqu’à maintenant. En 2016, Pavličev et Wagner ont démystifié en partie pourquoi les euthériens possédaient un clitoris. Il faut tout d’abord savoir que les lignées basales de ce groupe présentent un trait ancestral : une ovulation réflexe, dite induite, se déclenchant lors de la stimulation des récepteurs sensoriels situés au niveau du vagin. Chez ces espèces, le clitoris se retrouve à l’intérieur du vagin, contribuant à l’ovulation par la stimulation qu’il subit9-10. Mais, au fur et à mesure qu’on grimpe l’arbre phylogénétique, on s’aperçoit que le clitoris s’éloigne de plus en plus du vagin et que l’ovulation n’est plus induite mais spontanée9. Cette déconnexion entre la stimulation clitoridienne et l’accouplement, qui coïncide avec des changements anatomiques notables, rend compte du potentiel d’un rôle plus spécifique au clitoris9. Une autre étude, sortie cette année, attribue même une fonction de facilitation du succès reproducteur au clitoris, due à tous les changements physiologiques que sa stimulation apporte11.
Quelques exemples de clitoris dans le règne animal
La hyène tachetée possède un clitoris externe intégré à son vagin, lui donnant une forme de pseudo-pénis. Son apparence est tellement similaire au pénis du mâle, que les scientifiques croyaient au début que les individus de cette espèce étaient hermaphrodites12. Les femelles de cette espèce possèdent aussi deux masses graisseuses à la base de leur membre, rien pour aider les scientifiques à les distinguer! Il est à noter que les hyènes accouchent par ce pseudo-pénis… Elles accouchent donc par leur clitoris12… What a world.
D’après une récente étude13, le clitoris des grands dauphins serait très similaire à celui de l’humain. La grande différence étant l’emplacement de celui-ci : chez le dauphin, le clitoris se situe à l’entrée du vagin, assurant sa stimulation lors de la pénétration.
Le clitoris chez les Bonobos est plus externalisé que chez plusieurs autres mammifères et est part intégrante de ce qu’on croit être des rituels de socialisation chez cette espèce. Il est tellement externe qu’il ‘‘wiggle’’ lorsque les femelles se déplacent6. C’est pas moi qui le dit.
Tout ça pourquoi?
Alors que je peux comprendre le peu de connaissances que l’on possède sur le clitoris humain dû à un contexte social défavorable, je comprends un peu moins pourquoi il existe si peu d’informations sur le clitoris des autres espèces. Après tout, plusieurs études ont discuté de l’organe génital des mâles de différentes espèces, et ce, en détail. Donc, pourquoi ai-je décidé d’écrire un article sur l’évolution du clitoris? Tout d’abord je dois avouer que c’est une idée que j’ai eu lors d’un 5 @10 et qu’on m’a mise au défi de faire pour vrai… Bon bon bon, malgré des raisons initiales plutôt élémentaires, je dois avouer qu’au fur et à mesure de ma recherche pour cet article, je me suis rendue compte d’à quel point cet organe avait été mis de côté par une sorte de misogynie sociale datant du dernier siècle qui a, malheureusement, encore des répercussions en 2020. Plusieurs études démontrent encore de nos jours que plusieurs femmes hétérosexuelles n’atteignent toujours pas l’orgasme dans la majorité de leurs relations sexuelles14 et je pense que l’étude du comportement d’autres animaux ou de la morphologie de leur clitoris pourraient déconstruire un peu ce tabou et peut-être permettre une meilleure compréhension de l’importance du clitoris. Après tout, même les bonobos se font plus plaisir avec, c’est triste quand même.
Disclaimer : Toutes les informations présentées ici ne sont le reflet que des théories actuelles les plus acceptées et disponibles sur le sujet et peuvent s’avérer compromises lors d’études ultérieures
Sources:
1. Orbach, D. N., & Brennan, P. L. (2019). Functional Morphology of the Dolphin Clitoris. The FASEB Journal, 33(1_supplement), 10-4.
2. Ogletree, S. M., & Ginsburg, H. J. (2000). Kept under the hood: Neglect of the clitoris in common vernacular. Sex Roles, 43(11-12), 917-926.
3. Pauls, R. N. (2015). Anatomy of the clitoris and the female sexual response. Clinical Anatomy, 28(3), 376-384.
4. Sanger, T. J., Gredler, M. L., & Cohn, M. J. (2015). Resurrecting embryos of the tuatara, Sphenodon punctatus, to resolve vertebrate phallus evolution. Biology letters, 11(10), 20150694.
5. Fishbeck, D. W., & Sebastiani, A. (2015). Comparative anatomy: manual of vertebrate dissection. Morton Publishing Company.
6. Balcombe, J. (2006). Pleasurable kingdom: Animals and the nature of feeling good. St. Martin’s Press.
7. Lough‐Stevens, M., Schultz, N. G., & Dean, M. D. (2018). The baubellum is more developmentally and evolutionarily labile than the baculum. Ecology and evolution, 8(2), 1073-1083.
8. Schultz, N. G., Lough-Stevens, M., Abreu, E., Orr, T., & Dean, M. D. (2016). The baculum was gained and lost multiple times during mammalian evolution. Integrative and comparative biology, 56(4), 644-656.
9. Pavličev, M., & Wagner, G. (2016). The evolutionary origin of female orgasm. Journal of Experimental Zoology Part B: Molecular and Developmental Evolution, 326(6), 326-337.
10. Pavlicev, M., Zupan, A. M., Barry, A., Walters, S., Milano, K. M., Kliman, H. J., & Wagner, G. P. (2019). An experimental test of the ovulatory homolog model of female orgasm. Proceedings of the National Academy of Sciences, 116(41), 20267-20273.
11. Levin, R. J. (2020). The Clitoris—An Appraisal of its Reproductive Function During the Fertile Years: Why Was It, and Still Is, Overlooked in Accounts of Female Sexual Arousal. Clinical Anatomy, 33(1), 136-145.
12. Neaves, W. B., Griffin, J. E., & Wilson, J. D. (1980). Sexual dimorphism of the phallus in spotted hyaena (Crocuta crocuta). Reproduction, 59(2), 509-513.
13. Orbach, D. N., & Brennan, P. L. (2019). Functional Morphology of the Dolphin Clitoris. The FASEB Journal, 33(1_supplement), 10-4.
14. Lloyd, E. A. (2009). The case of the female orgasm: Bias in the science of evolution. Harvard University Press.